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Cette année, je suis en formation Executive Master à SciencesPo Paris, axée sur le management du développement et les politiques africaines.
Mon objectif est de créer un pont entre les savoirs académiques de SciencesPo et les réalités concrètes que je rencontre sur le terrain avec Repat Africa et dans cette édition, je vous propose une de mes analyses concernant l’état des lieux des envois de fonds des diasporas africaines en 2023.
Les envois de fonds de la diaspora africaine sont devenus une composante majeure du financement des économies africaines. Depuis 2010, ces transferts ont connu une croissance significative et reflètent l'importance croissante des diasporas dans le soutien financier de leurs pays d'origine. Voici mon analyse détaillée de l'évolution de ces flux financiers, de leur impact économique et social, ainsi que des disparités régionales et nationales.
1. Une source de financement en croissance constante
Évolution générale des envois de fonds depuis 2010
Entre 2010 et 2023, les transferts de fonds vers l'Afrique ont augmenté de manière substantielle. En 2010, les envois de fonds s'élevaient à un peu plus de 50 milliards USD, tandis qu'en 2023, ils ont atteint 91,66 milliards USD. Cette progression reflète plusieurs facteurs clés :
Une croissance significative du nombre d'Africains vivant à l'étranger, à la recherche de meilleures opportunités économiques et éducatives.
L'émergence de plateformes numériques et mobiles comme Orange Money Europe (App Mobile) ou encore Danapay (blockchain) facilite les envois de fonds, les rendant plus rapides, sécurisés et moins coûteux.
Malgré la crise de la COVID-19, les transferts de fonds ont montré une capacité de résistance notable, soutenus par la solidarité familiale et communautaire.
Les pics observés en 2019 et 2021 correspondent à des périodes de croissance économique mondiale et à une augmentation de la capacité des diasporas à envoyer des fonds supplémentaires pour soutenir leurs familles face à des défis tels que la pandémie de COVID-19.
2. Disparités régionales des envois de fonds
L'analyse régionale des envois de fonds révèle des disparités significatives entre les différentes zones du continent :
Afrique du nord : avec des pays comme l'Égypte et le Maroc, cette région est la principale bénéficiaire des transferts de fonds, recevant plus de 46 % du total africain. Les liens historiques et culturels avec l'Europe et le Moyen-Orient facilitent ces flux.
Afrique de l'ouest : reçoit plus de 36,5 % des envois de fonds, avec le Nigeria, le Sénégal et le Ghana en tête. Les diasporas de ces pays sont largement dispersées en Amérique du Nord, en Europe et au Moyen-Orient.
Afrique de l'est : compte pour environ 13% des transferts, avec le Kenya, l'Ouganda et l'Éthiopie comme principaux bénéficiaires.
Afrique centrale : les envois de fonds représentent 2% du total africain, reflétant une diaspora moins nombreuse ou des obstacles aux transferts financiers.
Afrique australe : avec des pays comme l'Afrique du Sud et le Zimbabwe, cette région reçoit environ 2% des envois de fonds, montrant une légère augmentation ces dernières années.
Ces différences reflètent les variations dans les schémas migratoires, la taille des diasporas, les politiques économiques et la facilité des transactions financières dans chaque région.
3. Impact du COVID-19 sur les transferts de fonds
Variations entre 2019 et 2023
La pandémie de COVID-19 a eu un impact significatif sur les économies mondiales, mais les envois de fonds vers l'Afrique ont montré une résilience remarquable :
2019 : les transferts ont atteint un record de 85,38 milliards USD.
2020 : malgré les prévisions pessimistes, la baisse a été limitée à 82,25 milliards USD, soit une diminution de seulement 3,7 %.
2021 : rebond spectaculaire à 95,03 milliards USD, soit une augmentation de 15,5 % par rapport à 2020.
2022 : les transferts ont légèrement diminué à 93,84 milliards USD, probablement en raison de la stabilisation économique post-pandémie.
2023 : les envois de fonds sont estimés à 91,66 milliards USD, montrant une légère baisse mais restant à des niveaux élevés.
Plusieurs facteurs expliquent cette résilience :
Les membres de la diaspora ont intensifié leur soutien financier pour aider leurs proches à faire face aux impacts sanitaires et économiques de la pandémie.
Les restrictions de déplacement ont accéléré l'adoption des services de transfert en ligne et mobiles, tels que Wave, TapTap Send et Danapay.
Les aides gouvernementales comme le chômage partiel et les programmes de soutien économique ont permis à la diaspora de maintenir leurs envois.
4. Usage des fonds transférés
Les envois de fonds jouent un rôle majeur dans le quotidien de nombreuses familles africaines.
75 % des fonds sont utilisés pour couvrir des besoins immédiats :
Assurer la sécurité alimentaire, notamment en période de crise.
Accès aux soins médicaux, achat de médicaments, et financement d'infrastructures sanitaires locales.
Paiement des frais de scolarité, achat de fournitures scolaires, et soutien à la formation professionnelle.
15 % sont destinés à l'épargne et à l'investissement :
Création de petites entreprises, achat de matériel agricole, et investissements immobiliers.
Constitution d'un capital pour des projets futurs ou pour faire face à des imprévus.
10 % sont spécifiquement alloués à d'autres besoins, tels que les cérémonies familiales, les dons communautaires, et les dépenses liées à la religion ou à la culture.
Étude de cas : utilisation des fonds selon la recherche d'Abderrahim Saidane (2021)
La thèse d'Abderrahim Saidane met en évidence que les transferts de fonds sont essentiels pour maintenir le niveau de nutrition des ménages, surtout dans les zones rurales touchées par des conditions climatiques défavorables.
Les fonds envoyés permettent de pallier les insuffisances des systèmes de santé locaux, notamment en finançant des traitements coûteux ou indisponibles sur place.
L'investissement dans l'éducation est perçu comme un moyen de briser le cycle de la pauvreté, en offrant aux jeunes de meilleures perspectives d'avenir.
5. Dépendance économique et disparités nationales
Pays les plus dépendants des envois de fonds en 2023
Certains pays africains présentent une dépendance significative aux transferts de fonds de leur diaspora.
L’analyse des flux financiers vers certains pays africains en 2023 révèle une réalité économique complexe et multidimensionnelle. Elle démontre non seulement la dépendance de ces pays aux transferts de fonds de leurs diasporas en termes de pourcentage du PIB et de valeur absolue, mais aussi l'impact de ces flux au niveau individuel.
Le cas des Comores illustre parfaitement cette complexité. Avec des transferts représentant 20,60% de son PIB et un montant moyen de 330,49 USD par habitant, ce petit État insulaire démontre une dépendance prononcée aux envois de fonds. Cette situation souligne l'importance de ces flux pour le bien-être économique de chaque citoyen comorien.
Le Maroc présente un profil contrasté. Bien que recevant le montant le plus élevé en valeur absolue (12,13 milliards USD), ces transferts ne représentent que 8,25% de son PIB. Cependant, l'impact par habitant reste significatif avec 321,64 USD, témoignant de l'engagement fort de la diaspora marocaine envers son pays d'origine, malgré une économie nationale plus diversifiée.
Le Lesotho et la Gambie incarnent des cas de forte dépendance relative. Avec respectivement 21,49% et 26,28% de leur PIB provenant des envois de fonds, ces nations démontrent une vulnérabilité économique notable. Pour le Lesotho, cela se traduit par 238,10 USD par habitant, soulignant l'importance de ces fonds pour les ménages de ce pays enclavé, malgré un montant total relativement modeste de 510 millions USD.
Le Sénégal, avec 2,94 milliards USD d'envois de fonds, présente un impact per capita plus modéré (167,09 USD), en partie dû à sa population plus importante. Néanmoins, ces transferts demeurent un pilier essentiel de l'économie sénégalaise, soutenant de nombreux ménages à travers le pays.
Ces chiffres indiquent que dans certains pays, les envois de fonds représentent une part substantielle de l'économie nationale et sont essentiels pour le bien-être des citoyens. La forte dépendance peut toutefois poser des défis en cas de fluctuations des flux financiers.
6. Rôle stratégique de la diaspora
Contribution économique et sociale
Au-delà des transferts financiers, la diaspora africaine joue un rôle multidimensionnel dans le développement de leurs pays d'origine :
Partage de compétences : les diasporas contribuent en transférant des connaissances, des compétences et des technologies acquises à l'étranger.
Entrepreneuriat transnational : création d'entreprises reliant les marchés internationaux aux économies locales, favorisant les échanges commerciaux.
Influence culturelle : promotion de la culture africaine à l'étranger, renforçant l'image et l'attrait du continent.
Défis actuels
Malgré l'importance des envois de fonds, plusieurs défis persistent :
Coûts de transfert élevés : dans certains corridors, les frais restent prohibitifs réduisent le montant final reçu par les bénéficiaires.
Infrastructure financière : les insuffisances du système bancaire et financier dans certains pays limitent l'efficacité des transferts.
Instabilité politique : les tensions politiques et économiques peuvent dissuader la diaspora d'envoyer des fonds ou d'investir dans leur pays d'origine.
Les envois de fonds de la diaspora africaine sont un pilier majeur du financement des économies du continent. Leur croissance continue depuis 2010, leur résilience face à des crises mondiales comme la pandémie de COVID-19, et leur impact significatif sur le bien-être des ménages en font un sujet d'importance majeure.
Mon analyse détaillée des données montre que ces transferts sont non seulement un soutien financier, mais aussi un vecteur de développement économique et social. Les disparités régionales et nationales soulignent la nécessité de comprendre les spécificités de chaque pays pour appréhender pleinement l'impact des transferts de fonds.
Cet état des lieux met en évidence l'importance de la diaspora africaine dans le paysage économique du continent et souligne le potentiel d'une collaboration renforcée entre les pays d'origine et leurs communautés expatriées pour un développement durable.
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