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En pleine crise de la covid-19, je me suis intéressé de près aux prévisions de croissance des pays africains. Lorsqu’on sait que la pandémie de Covid-19 plonge l’économie mondiale dans une récession record, les prévisions de croissance des pays africains en 2021 sont assez impressionnantes, en voici un aperçu avec le top 5 :
🇩🇯 Djibouti : 7,1%
🇰🇪 Kenya : 6,9%
🇹🇳 Tunisie : 5,8%
🇷🇼 Rwanda : 5,7%
🇧🇼 Botswana : 5,7%
Une réalité se cache pourtant derrière ces chiffres : l’économie de près de 90% des pays africains dépend de l’export des matières premières et c’est ce sujet que je vous propose d’analyser aujourd’hui.
L’industrie manufacturière est la transformation physique ou chimique en nouveaux produits de matières, de substances ou de composants. Les matières, substances ou composants transformés sont des matières premières issues de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche ou des activités extractives, ou des produits issus d’autres activités manufacturières.
Insee
Le continent africain a des caractéristiques impressionnantes :
Il est le deuxième continent le plus peuplé au monde avec 1.2 milliards d'habitants
Il est en croissance depuis de très nombreuses années
Malgré cela, il pèse bien trop peu. En effet, en 2015, le continent ne contribuait qu’à hauteur de 1,4% à la valeur ajoutée manufacturière mondiale. À titre de comparaison, celle du continent asiatique se situe autour de 45%.
Des pays comme l’Ethiopie ou le Nigéria ont fait des progrès dans l’industrie manufacturière avec un taux de VAM (Valeur Ajoutée Manufacturière) de respectivement de 9,3% et 11,3% tandis que la Centrafrique et la Libye ont connu la plus forte baisse.
Le secteur manufacturier ne progresse pas sur le continent africain. Il a même décliné depuis 30 ans alors que la démographie et le sous-emploi des jeunes augmentent.
Essayons de comprendre ce phénomène.
1. Une dépendance aux exportations de matières premières
Un pays est considéré comme dépendant lorsque la part des exportations de produits de base dans les exportations totales est supérieure à 60%. Lorsque cette part dépasse 80%, le pays est considéré comme fortement tributaire des exportations de produits de base.
Comme nous l’avons souvent indiqué : L’Afrique est riche, très riche de matières premières. Cependant, 89% des pays africains sont dépendants de ce secteur. La croissance économique des pays d’Afrique dépend pour 70% de l’exportation des matières premières.
Prenons l’exemple d’un iPhone fabriqué en Asie, il contient plus de 50 métaux et minéraux dont certains - comme le cobalt - se trouvent massivement en Afrique. En effet, le continent abrite presque toutes les réserves de chrome et de platine, de 50% des réserves de cobalt, de gaz, pétrole, diamants, or, cuivre, fer, uranium, charbon.
L’économie burkinabé repose principalement sur ses exportations. Les matières premières en représentent 90%. Le cours des matières premières étant très volatil, l’absence de diversification dans les exportations est très risquée. On imaginerait alors l’économie du pays chuter aussi vite que le cours des matières premières.
Selon la BAD (Banque Africaine de Développement), en 2018, 59% des exportations africaines concernaient des produits agricoles, carburants et produits miniers tandis que 56% des imports sont des produits manufacturés.
Les entreprises installées sur le continent qui connaissent les plus hauts taux de rentabilité dégagent d’importants bénéfices principalement grâce à l’exportation massive de matières premières. D’après les données de la Banque Mondiale, les 6 plus grandes économies Africaines représentent 80% du PIB de l’Afrique. Parmi ces pays, 5 sont exportateurs de matières premières :
🇳🇬 Nigéria (397 Mds de dollars) : premier producteur et exportateur de pétrole brut du continent ⛽️
🇿🇦 Afrique du Sud (366 Mds de dollars) : premier pays extracteur d'or et de platine et l'un des premiers pour le diamant et l'argent 💎
🇪🇬 Egypte (250 Mds de dollars) : exportateur de pétrole brut⛽️
🇩🇿 Algérie (180 Mds de dollars) : exportateur d’hydrocarbures ⛽️
🇦🇴 Angola (105 Mds de dollars) : exportateur d’hydrocarbures et des pierres précieuses⛽️💎
On peut constater que, dans un but d’enrichissement rapide, les entreprises africaines exportent des matières premières brutes sans les transformer sur leur sol.
Le Nigéria est le premier exportateur de pétrole brut d’Afrique mais importe 91% de ses besoins en carburant 🤔. Ou encore la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, avec 41% de part de marché, mais paradoxalement les ivoiriens ne mangent que très peu de chocolat 🍫 (en moyenne 500 g par an contre 3,6 kg pour un français) 🤔.
Certains pays africains ont mis en place des restrictions à l’exportation des matières premières dans le but de développer la transformation locale, stimuler l’emploi et accroître le revenu mais malheureusement les résultats ne sont pas encore présents. Une étude de l’OCDE sur les restrictions d’exportations de minerais concernant 4 pays africains démontre qu’elles n’ont aucun effet bénéfique sur les industries de transformation locales. Ces pays ont tendance à :
Avoir des institutions plus fragiles
Moins investir dans l’éducation
Dans les pires cas, l’argent généré par l’extraction minière sert à financer les groupes armés
Un contre-exemple, le Bostwana : le pays n’a pas mis en place de restrictions mais investit massivement les revenus générés par l’exploitation des diamants dans l’éducation, les infrastructures et la santé. Ces investissements ont eu des répercussions positives sur le pays qui est passé du groupe des pays les moins avancés à celui des pays à revenu intermédiaire supérieur.
Les économies africaines se sont prématurément désindustrialisées car la réallocation de la main-d’œuvre s’est orientée vers des services à faible niveau de productivité, limitant le potentiel de croissance du secteur manufacturier. Pour éviter le piège de l’informalité et le chômage chronique, l’Afrique doit s’industrialiser
Rapport de la Banque Africaine de Développement sur les Perspectives économiques en Afrique 2019.
2. Ajouter de la valeur en transformant les matières premières sur le sol africain
“Le Ghana ne veut plus être dépendant de la production et des exportations de matières premières dont les fèves de cacao. Nous avons l'intention de transformer de plus en plus de cacao dans notre pays et nous pourrons produire plus de chocolat nous-mêmes car nous pensons qu'il ne peut y avoir de prospérité future pour le peuple ghanéen à court moyen ou long terme si nous maintenons une structure économique dépendante de la production et des exportations de matières premières.”
Nana Akufo-Addo, Président du Ghana
Une déclaration lourde de sens du Président Ghanéen lors d’une visite officielle en Suisse l’année dernière, le Ghana étant le premier fournisseur de cacao de la confédération.
L'industrie africaine génère 700 dollars de PIB par habitant en moyenne, soit 3 fois moins qu'en Amérique Latine et environ 5 fois moins qu'en Asie du sud-Est. À l'horizon 2025, l’Afrique aura la main-d’œuvre la plus jeune et la plus nombreuse au monde avec 500 millions de personnes sur le marché du travail. Le continent dispose de plus de la moitié des terres arables de la planète.
Il est vrai que l’Afrique a beaucoup de retard par rapport au reste du monde sur le secteur manufacturier, le taux de VAM du continent étant de 1,4% soit le plus bas au monde alors qu’il a le taux de croissance démographique le plus élevé du monde. En Afrique, 8 pays concentrent 70% de l’emploi manufacturier : le Nigeria, l’Ethiopie, l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Algérie, le Ghana et le Kenya. Les nouvelles technologies et le développement de l’entrepreneuriat sur le continent permettent de rattraper ce retard, par exemple pour le secteur agricole, l’acquisition de machines de plus en plus équipées, de capteurs et images satellites pour une meilleure maîtrise des champs et des sols à travers une exploitation des données générées.
Ou encore dans le secteur pharmaceutique, nous pouvons penser à la mise en place de processus digitaux de « sérialisation » visant à empêcher l’introduction de faux médicaments entre le commencement de la chaîne logistique d’approvisionnement et la distribution.
L’Afrique sera capable d’inventer son propre modèle d’industrialisation car le continent dispose d’atouts majeurs :
👦 une ressource humaine abondante
🚧 une main-d’œuvre jeune et compétitive
📈 un potentiel très important de futurs consommateurs du fait de la croissance démographique
🌍 la plus grande proportion au monde d’adultes créant ou gérant une nouvelle entreprise (22% pour l’Afrique, 19% pour l’Amérique Latine et 13% pour l’Asie en développement)
Mais le continent fait face à plusieurs défis et un des cruciaux à mon sens est le développement des infrastructures par une réelle volonté politique. À mon sens, la qualité des infrastructures en Afrique entrave le développement économique. Par exemple, pour échanger des marchandises entre Douala (Cameroun) et N’Djamena (Tchad), il faut 6 fois plus de temps et cela coûte 3 fois plus cher que si l’échange devait avoir lieu entre Douala et Hong Kong 🤔.
Je suis convaincu que l’industrialisation de l’Afrique, tout en s’adaptant au contexte et contraintes locales, va permettre de faire croître l’économie en augmentant la productivité et en diversifiant les sources de revenus. En effet, la croissance économique ne dépendra plus uniquement de l’export des matières premières mais aussi de leur transformation en produits finis. De plus, elle va permettre de stabiliser le développement à long terme des économies africaines car elles ne seront plus uniquement sensibles à la volatilité des prix des matières premières. Enfin, elle va permettre d’améliorer l’attractivité et le climat socio-économique des pays grâce au développement des infrastructures, de l’amélioration du système éducatif, de la recherche et développement etc. L’Afrique qui émerge est une Afrique qui transforme ses matières premières pour créer des chaînes de valeurs, générer des emplois et vaincre le chômage des jeunes.
Avec la communauté d’adhérents Repat Africa, notre ambition est de créer des entreprises de transformation des matières premières sur le continent africain. Si vous ne l’avez pas déjà fait, rejoignez la communauté et ayez de l’impact en Afrique.
Des nouvelles de la communauté repat.africa :
Un de mes récents posts sur Linkedin a généré environ 600 likes et plus de 70 partages. Je vous invite à le voir : voir le post
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▶️ Le Replay du live sur la création de start-up avec Rédouane Bouchane, cofondateur de Mirabo est disponible : voir le replay
Andréa lance Wulà, une plateforme de mise en relation avec des couturiers africains qui promeut le Made In Africa. Un super projet qu’on peut soutenir en répondant à ce questionnaire : répondre au questionnaire
Que pensez-vous de la situation actuelle de l’économie africaine ? 🌍
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Super article, de qualité. Bravo au président du Ghana qui a su s'imposer !
Salut les Repats, Salut Kara et bravo pour ce nouvel article tout aussi intéressant que les précédents.
Je suis tout à fait d'accord avec toi et Max William que le développement de l'économie africaine passe par la transformation industrielle sur le continent de ses matières premières. et qui dit transformation industrielle dit industrialisation. Industrialiser nos pays ce serait non seulement un véritable moyen de réduire l'exportation de nos matières premières et l'importation des produits finis étrangers tels que le chocolat, la papeterie et autres, mais aussi une vraie solution au problème du chômage des jeunes qu'il ya dans le continent mais pas que puisque le chômage, lui même, est source de beaucoup d'autres problèmes (banditisme, irresponsabilité, immigration clandestine pour ne citer que ça.)
Je suis aussi d'accord du fait que ce serait une erreur que de totalement miser sur la transformation des matières premières sans diversifier l'économie.
Ce que j'aimerais ajouter c'est qu'avant même de parler de la transformation de nos matières premières, il faut bien déjà que ces matières premières nous appartiennent totalement. Or aujourd'hui ce sont les multinationales étrangères pour ne pas dire occidentales et chinoises qui explorent nos sous sols, exploitent nos matières premières et fixent même les prix d'achat. Ce qui est déplorable!
Je pense donc que l'Afrique doit d'abord et avant tout être patronne de ses ressources naturelles. Une fois que cela est acquis, oui l'industrialisation et la transformation d'une partie de ses matières premières sur le continent serait un véritable levier de développement économique de l'Afrique.